Bernard Buffet, intimement au Musée de Montmartre
Nicolas Buffet est un des trois enfants adoptés par Bernard et Annabel Buffet. Quelquefois, l'enfant adopté vit mal l'adolescence, ou, l'âge adulte venu, cette situation qui devrait être « traumatisante ». On entend, les journalistes couillons, ayant vendu leurs âmes à la quête du scoop : « Quand, avez-vous appris que vos parents n'étaient pas vos géniteurs ? Qu'avez-vous ressenti ? Vous sentez-vous normal ? Dans quelles circonstances, avez-vous fait cette découverte ? Par qui ? Avez vous recherché votre famille originelle ? » Artiste dans l'âme, parfois exalté, Nicolas Buffet poursuit sa route, reconnaissant, et toujours admiratif de ses deux parents. Nicolas Buffet a deux sœurs qui ne semblent pas plus troublées que lui par cette situation, née de sentiments généreux, ne l'oublions pas. Cette exposition a le grand mérite de ne pas faire trop appel aux souvenirs, et aux œuvres du milliardaire socialiste, Pierre Bergé. Tant mieux ! Certaines manières de tirer la couverture de la part d'éternels donneurs de leçons, devient insupportable. Qu'avez-vous fait, Monsieur Bergé, pour lutter contre la désinformation organisée par la presse parisienne, à propos de l'œuvre fabuleuse de Bernard Buffet ? Oui, Pierre Bergé, l'homme des campagnes médiatiques pour Saint-Laurent, vous, qui teniez la presse parigote, dans le creux de votre main. Heureusement, Bernard Buffet était présent au Japon, alors, partie décisive du marché de l'art, où, depuis 1973, un musée lui est dédié à Surugadaira, comprenant 2000 œuvres. Le Fonds de Dotation Bernard Buffet réalisé, en 2009, par Ida et Maurice Garnier, protège l'œuvre de Bernard Buffet. Il est dirigé par Céline Lévy. Je me souviens du choc que j'ai ressenti, en 1985, à Rome, en visitant la collection du musée du Vatican, dont une monumentale toile spiritualisée de Bernard Buffet qu'il avait composé en 1961, pour la chapelle de son château l'Arc, avait fait l'objet d'un don de l'artiste. La vérité de la valeur spirituelle de cette œuvre rayonnait sous mes yeux. Depuis, je n'ai jamais changé d'avis. Je n'ai jamais été déçu, et surtout pas, devant ses vastes formats décrivant la Mort. Dans sa galerie, rue Matignon, Maurice Garnier devant ma passion, prenait un regard incrédule. La détestation de la peinture de Bernard Buffet faisait encore des ravages. J'apparaissais comme une surprise. Maurice Garnier m'adressa, en 2009, à l'occasion de l'hommage rendu à Bernard Buffet, pour les dix ans de sa mort, à Marseille, au Centre de la Vieille Charité, un exemplaire du catalogue accompagné d'une gentille lettre. J'en suis assez fier. Tout comme, je le suis d'avoir partagé avec l'historien et critique d'art, Pierre Cabanne, avec lequel, j'ai réalisé plusieurs films (Paul Cézanne, Claude Monet, Edouard Manet, Olivier Debré), le même intérêt pour les créations de Bernard Buffet, mais aussi de Jean Couty. Lorsque, Bernard Buffet reçut le prix de la Critique, en 1948, Michel Ragon justifia la qualité de ce choix, et rappela que Bernard Buffet était choisi en opposition au Réalisme socialiste d'André Fougeron, préconisé par le Parti Communiste Français. Contrairement à Pierre Bergé qui, dans un récent entretien avec Jérôme Coignard, déclara : « Bernard Buffet est aujourd'hui totalement inconnu. Il a peint tellement de mauvais tableaux ! » C'est absolument faux ! Que certaines créations de Bernard Buffet heurtent la préciosité du Napoléon de la Couture, je veux bien le croire. Mais, je le regrette pour Pierre Bergé, il est impossible de piocher dans l'œuvre de Bernard Buffet, et de faire son médiocre marché : un grand navet d'un côté, de sublimes natures mortes de l'autre. Un reproche adressé à Bernard Buffet tient à la reproduction de son geste, de son trait, d'une mélancolie, et même, d'une désespérance. Comment ne pas comprendre que Bernard Buffet répondait aux demandes des nombreux solliciteurs, galeries et collectionneurs, tout en ne perdant rien de son aptitude à dénoncer les humains, et les systèmes qu'ils acceptent pour les asservir. Qui peut aujourd'hui, où, la Fiac, vitrine sordide, traduit une volonté de négoce tenant lieu de fonds comme de forme, s'en indigner ? Bernard Buffet avait le devoir de peindre à sa manière. Il le fit merveilleusement, avec raison et courage ! Pierre Bergé dit aussi, dans la même rencontre, qu'il n'a revu Bernard Buffet qu'une seule fois, après leur rupture. Mais, bien entendu, car, ils n'avaient plus rien à se dire. Imaginez le dialogue entre un sinistre soutien du vichyste François Mitterrand, et un amoureux de sa liberté, comme Bernard Buffet. Impossible ! Je pense que Francis Gruber, mort prématurément, eut de l'influence sur l'inspiration de Bernard Buffet. Mais, faut il, comme le fait Pierre Bergé, agresser son souvenir, et la qualité indiscutable de ses recherches ? En 2004, nous avons reçu un exemplaire de « Secrets d'atelier » publié par Flammarion, dédicacé par Annabel Buffet, et le photographe, Luc Fournol, dont les images sont très présentes au Musée de Montmartre. 70 ans après la première exposition de Bernard Buffet, on lui rend, ici, les honneurs qu'il mérite, dans un événement dont le commissariat fut assuré par l'historien de l'art, Yann Le Pichon. Dans certaines peintures des rues de Montmartre, on ressent bien l'admiration de Bernard Buffet pour Maurice Utrillo. La présence de toiles dont Annabel Buffet est le sujet exclusif, produit un profond ravissement. Musée de Montmartre-Jardins Renoir, jusqu'au 5 mars 2017. 12, rue Cortot-Paris 18e.