Bertrand Tavernier par Bernard Chardère
Avec Alice qui n’était pas une critique professionnelle, mais quelqu’un qui connaissait et aimait le cinéma sans complications intellectuelles, nous étions proches de Bertrand Tavernier. J’avais connu son père, éditeur pendant l’Occupation de la revue « Confluence », à Lyon. Il quitta la ville (plutôt déçu, faut-il le dire, du comportement de certaines « élites », pendant ces années noires). Bertrand, passionné par le « 7e art », ne pouvait que sympathiser avec les éditeurs de « Positif », dès 1952, une revue de critique de cinéma. Voilà pourquoi, lorsque notre ciné-club (ou Pax, le lundi) devint une sorte de « groupe de passion », pour que Lyon se souvienne un peu mieux que les Frères Lumière y avaient inventé le cinéma, la Villa Lumière de la famille devint la base de "L’Institut Lumière". Il semblait naturel que le Président fût Bertrand Tavernier, qui avait déjà réalisé plusieurs films à connotation lyonnaise. Ainsi fut fait, et ainsi furent poursuivies les actions et projections, pour que Lyon redevienne la capitale historique du cinéma. Enfin bref, il fallait le dire, et le redire ! Voilà comment la Rue du Premier Film à Montplaisir, redevint le haut lieu de l’art cinématographique. Et Bertrand Tavernier, qui ne manquait jamais un seul « conseil d’administration », continua sa carrière de metteur en scène, patron naturel de notre « Institut Lumière ». On me permettra de prendre le temps, pour dire qu’Alice, organisatrice de festivals, de publications, parvint à faire de l’Institut Lumière ce que nous avions rêvé : un point fort du cinéma. Bertrand a continué d’accompagner ce développement, au fil de ses films. Il n’est pas seulement, pourrait-on dire, un metteur en scène, mais aussi un critique, un historien du « 7e Art ». Plusieurs titres sont en préparation, qui nous rappelleront la chaleur communicative de nos amis. Des notes d’Alice, « Tranches de vie », pour clore la série des 60 « Premier Plan » édités sur de grands réalisateurs : Buñuel, Eisenstein, Fellini, Antonioni… Un volume de Bertrand Tavernier sur le cinéma américain muet, complétant le parlant déjà publié. Et ses « Mémoires », qu’il était en train d’écrire. Il m’avait envoyé les 30 premières pages « Il fait très beau ce matin de mars près de Sainte Maxime… » (faites-le lire à Bernard Chardère et à personne d’autre) ». Pourquoi diable vient-il de nous quitter ? L’Institut Lumière n’aurait rien été sans toi, Bertrand ! Qu’allons-nous devenir ?