Evaristo au musée de Fourvière…
Remarquable exposition dont les commissaires sont : Colette Darodes de Tailly, professeur de français, et, Manuelle-Anne Renault-Langlois, assistante de conservation au musée d’art religieux de Fourvière. Elles ont sélectionné des œuvres de toutes les époques, et de toutes les techniques : huiles sur toile, encres, pastels, sculptures sur bois, sur pierre, etc. Cette initiative réconciliera peut-être l’art d’Evaristo avec les Lyonnais, et les Lyonnaises. Trop souvent, les premiers regards sont négatifs. Le public s’arrête à un aspect mortifère. Non, ne célébrez pas la Mort, disait Léo Ferré, poète et chanteur maudit, s’il en est, puisqu’il est, aujourd’hui encore, exclu des programmes de radio et de télévision. J’eus l’occasion d’étudier l’itinéraire d’Evaristo, lorsqu’avec Paule Martigny, nous avons réalisé un film en 1995, puis un livre, en 1998, pour les Editions Mémoire des Arts. Oui, l’art d’Evaristo a longtemps fait fuir les gens, et même les amateurs de peinture. Il obtint tardivement une véritable reconnaissance, et, il faut bien le reconnaître, en partie par les efforts de Bernard-Yacine Gouttenoire, personnage devenu totalement infréquentable. Evaristo, lorsqu’il passa la frontière franco-espagnole, pour trouver refuge en France, fut détenu dans une prison de Bergerac. J’ai appris, il y a quelques années, qu’elle était dirigée par un designer et galeriste réputé dans la ville de Lyon. Comme le monde est petit! Au moment de son installation dans la banlieue lyonnaise, Evaristo faisait une peinture du cœur, assez naïve, représentant ce qu’il voyait autour de lui, à Saint-Fons : des maisons, l’église (celle qui est présentée est admirable). Il subira l’influence du groupe des Ziniars, mais aussi celle de Jean Couty qui reconnaîtra ses rouges, lors d’une exposition à la galerie Bellecour, entre 1956 et 1961. René Deroudille, pharmacien et critique d’art, adepte aveugle et véhément de l’Art abstrait, alors correspondant à Lyon de la revue Arts, encore dirigée par l’historien Raymond Cogniat, engagera Evaristo à peindre de manière non-figurative. Il en souffrira. Une altercation éclatera entre l’artiste et le critique d’art. Ils se réconcilieront, des années plus tard, peu de temps avant le décès de René Deroudille. Le style d’Evaristo n’est pas né par hasard. Coupé de ses racines, il se sentira concerné par les « bruits » du monde de l’art. Il enregistrera tous les soubresauts environnants. L’art d’Evaristo sera profondément marqué par l’influence de Georges Rouault qui fut récemment honoré en ces lieux. Comment, pouvait-il en être autrement ? Sa manière empruntera beaucoup à Bernard Buffet, alors célébré par la critique, et dont une grande toile venait d’entrer dans la collection du musée du Vatican. Comment, eut-il été possible de ne pas voir cette peinture souvent dramatique, construite avec rudesse, comme on se cogne aux murs obscurs de l’existence. La peinture d’Evaristo doit aussi beaucoup aux maîtres de la peinture espagnole : Vélasquez, Le Greco, Francisco Goya qui lui a fourni tout un univers de personnages, d'instruments, et de paysages, Francisco Zurbaran (auquel, il emprunta, le principe d'évocation de la Sainte Face, dit aussi : Le voile de Véronique), mais aussi, à Philippe de Champaigne. Il opérera une véritable synthèse, dans les trente dernières années de sa vie, surtout face aux collines ardéchoises, autour de sa demeure de Vallon-Pont d’Arc, où il choisira d’inscrire toute la puissance de ses visions « médiumniques ». Catalogue quadri éditions Scriptoria. Broché, format : 21 x 21 cm. 76 p. 15€. Musée de Fourvière, jusqu’au 4 janvier 2014. www.lyon-fourvière.com