Favrène, au Fort de Vaise, un singulier de l'art, sincère et véritable...
Et je peux en témoigner. J'ai rencontré Favrène à Lyon dans le quartier Saint-Paul, alors tout juste sauvé des pelleteuses que voulait envoyer pour le détruire en grande partie cet « imbécile de Pradel » comme disaient ses ennemis. Amateur de béton, le successeur d'Herriot figure en bonne place parmi les stupides destructeurs qui défigurèrent à jamais la Capitale des Gaules. Favrène peignait déjà, et j'ai assisté à une de ses premières expositions à la galerie le Pinacle située au rez-de-chaussée de la maison conçue par Phillibert Delorme. Ses sujets de prédilection ? Des petits hommes aux yeux bleus découverts, disait-il pendant des lectures de la Bible. Je le voyais souvent la journée Chez Paulette, où séjournaient de misérables fantômes, et la nuit quelques bambochards ripailleurs. En soirée, je voyais apparaître Favrène en face de la mairie, Chez le père Rateau qui n'avait pas encore la cinquantaine, et dont la particularité était d'être juré d'assises. On buvait là un beaujolais de première qualité. Favrène, alors solitaire, s'installait, souvent rejoint par un noble déchu, un royaliste probablement ancien membre des camelots du roi qui vociférait ses désillusions politiques alors que résonnaient les pas de la Révolution de 1968, alors en gestation. Lorsque j'engageais la conversation avec Favrène, il commençait par des recommandations alimentaires sur ce qu'il était bon ou pas d'absorber. Je me souviens d'un mot « macrobiotique » qui a disparu de nos vocabulaires, même de celui des écologistes, aujourd'hui plus préoccupés de rester au gouvernement. Puis, Favrène abordait les thèmes de son oeuvre. Il décrivait des mondes fantastiques, et surtout apocalyptiques. Avec la détermination d'un prophète, il prononçait des anathèmes. Il vouait l'univers de la consommation aux gémonies, aux enfers. Tel un Dante contemporain, il prédisait à l'appui d'innombrables détails notre fin prochaine. Déjà hirsute, son aspect angoissé apportait de la crédibilité à ses paroles d'exalté. Aujourd'hui, je peux témoigner de ce qu'il a réalisé en peinture, l'univers qu'il réprouvait avec véhémence il y a plus de quarante ans. Les personnages damnés, hommes et femmes mêlés sont là, brûlants dans les flammes diaboliques. Partout, il n'est question que d'infernales bacchanales. Partout des hommes et des femmes rient, dansent pour oublier qu'ils rôtissent déjà dans un feu allumé par Belzébuth lui-même. Favrène représente la Société dans laquelle nous vivons, comme il la ressent depuis toujours. Ce qui sauva Favrène pendant les décennies qu'il traversa seul, et dans le plus complet dénuement, c'est son amour, son obsession des femmes et de leurs formes plantureuses. Ses toiles sont habitées par des entremetteuses ou par une comtesse rutilante comme une matrone de bordel. La vie quotidienne est envahie de petites femmes nues qui montrent allègrement leurs fesses replètes. Eros règne en maître. Il régit toute les passions. Connaissiez-vous le Flirt en deux temps ? Demandez à Favrène. Favrène qui travailla longtemps au P.M.U est un joueur impénitent. Il le démontre dans ses « Courses à Chantilly ». Il apprécie les chansons de Léo Ferré, auteur et chanteur injustement oublié. Il lui rend hommage dans « Jolie Môme », un montage qui évoque ceux d'Armand Avril. Le bleu était sa couleur à ses débuts. Il l'est resté, accompagné de jaunes et de rouges torrides. L'œuvre de Favrène s'exprime totalement dans les grands formats, où elle trouve toute sa force. C'est un incendie qu'il veut allumer depuis toujours dans vos consciences. Le temps ne fait rien à l'affaire, voyez sa « Pyramide des secondes ». Je vous recommande la visite salvatrice de cette exposition, heureusement, vous n'en sortirez pas indemne. Fort de Vaise jusqu'au 21 octobre 2012. Tel : 04 78 47 10 82