Jacques Hérold / Le grain de phosphore au doigt / Editions Seven Doc
Dans ce film de Fabrice Maze, nous sommes accueillis par les paroles de Jacques Hérold (pseudonyme d’Hérold Blumer 1910-1987) : « En réalité, ce qu’il y a de plus important dans l’histoire et dans le monde, c’est l’art, la poésie, ce qu’on exprime avec l’esprit. Le reste c’est de la petite histoire ». Surréaliste des plus convaincus car, c’était une attitude naturelle. Né en 1910, en Moldavie, près de Bucarest « le Paris oriental ». il fit la connaissance de Brauner, de sept ans son aîné, originaire de la même région, en 1930, à Paris, Les nombreux documents d’archives étonnants, images vivantes et fixes, constituent des plans de coupes soigneusement choisis et montés. Le commentaire de Fabrice Maze, avec les voix de Brigitte Boucher et Frédéric Pellegeay, est précis. Le talentueux réalisateur relève les scènes qui durablement marqueront Hérold (ex : présence des écorchés dans ses premières peintures) en s’appuyant sur ses écrits. A ses débuts, à l’école des beaux-arts de Bucarest, il s’informe des avancées de l’art avec des revues, comme Pictoezie et 75 HP. Il trouve là une famille d’esprit. La France fascine l’Europe et les Roumains, particulièrement Paris, pic de la Modernité. Juin 1930, Hérold arrive à Paris, premiers pas vers la liberté, mais aussi vers une existence précaire. Dans sa première huile apparaît le thème de la germination. Un univers organique et onirique, en perpétuelle transformation. A bout de ressources, il frappe à la porte de Brancusi qui l’emploie, comme homme à tout-faire. Là, il rencontre de nombreux artistes dont Robert Desnos, et Marcel Duchamp qu’il fréquentera toute sa vie. Misère noire. On lui présente Yves Tanguy son frère de pensée. Juif, émigré clandestin, marqué par la Révolution russe, Hérold est anti-stalinien. En 1933, son oncle maternel de passage à Paris, découvre sa misère, et lui commande une série de tableaux. Il fera profiter de cette manne ses amis artistes. Présenté à André Breton, il est accueilli officiellement au sein du groupe surréaliste. Il sombre dans l’addiction au jeu. Ses thèmes sont la faim, le jeu, les enchères à la bougie, et les mises à vif du corps humain avec les écorchés. En 1938, il expose au Salon des Artiste Indépendants, un autoportrait dérangeant : « Arsenic ». Apparition de cristaux et d’objets déchiquetés symboles de la dureté du monde. 1940, il emménage à Montparnasse, et peint un tableau emblématique « Au-delà de l’horizon ». Face à l’invasion allemande, il quitte Paris pour Perpignan, puis Marseille en zone libre. Terrible misère. Il retrouve des amis artistes autour de Breton. « La liseuse d’aigle » marque un passage dans un nouveau monde. Varian Fry n’ayant pu lui obtenir des papiers pour quitter la France, il parvient à atteindre Annecy. Affamé, il retourne malgré tous les dangers, à Paris, pour retrouver les Surréalistes, avec ses faux papiers. Il publie son premier texte théorique. Trois sculptures préfigurent à une œuvre majeure « Le Grand transparent », qui étonne et fascine le public. Exposition Internationale du Surréalisme à la galerie Maeght 1947. Le groupe surréaliste reprend ses activités. Première expo personnelle, en octobre 1947, aux Cahiers d’art de Christian Zervos. Il illustre des textes, des livres objets attractifs pour les bibliophiles. A Lacoste, il se replie définitivement dans une modeste maison, acquise en 1953, dans le Vaucluse, avec sa dernière compagne Muguette. A 53 ans, il est père pour la première fois. Une petite fille, Delphine. Il est alors connu et vend bien son œuvre en France, et à l’étranger (expos personnelles, FIAC, Biennale de Venise). Le film s'achève sur ce propos : « En réalité, mon passé, c’est l’avenir. » Interventions de Christophe Dauphin, poète et essayiste, Rose-Hélène Iché, historienne et critique d’art, Alain Paire, galeriste et critique d’art, Reine Caulet-Guetta compagne de Sylvain Itkin (inventeur du Croque-Fruit à Marseille, pendant la guerre), Delphine Hérold-Wright, Thessa Hérold, galeriste, Patrice Trigano, galeriste. Présence de Jacques Hérold, lui-même. Il évoque des actions et des œuvres prémonitoires du Surréalisme. DVD 105’ Trilingue. Contient aussi un livret de 88 pages : chronologie largement illustrée de documents et d’œuvres. Editeur Seven Doc 2012. Distributeur : studios Win Win.