La mort a vaincu la combattante Geneviève Böhmer…
Geneviève Böhmer avait choisi les chemins de la liberté. Elle ne supportait pas les contraintes de l’ordre établi. Née le 30 avril 1928 à Cravanche dans le territoire de Belfort, elle manifesta toujours à sa mère, décédée, il y a peu, à plus de cent ans, un amour incoercible. Geneviève Böhmer s’inscrivit à l’école des beaux-arts de Lyon en octobre 1945, comme son amie Suzette Mézie, comme Alain Mottet le futur comédien, comme Gabriel Gouttard, et comme notre ami, Robert Duran auquel elle manifestait sa présence à chacun de ses vernissages. Car, Geneviève Böhmer était fidèle en amitié, et ce n’était pas la moindre de ses qualités. Elle fit bosse en avril 1946, puis modèle vivant en juin 1947, puis sculpture en octobre 1949, où, elle fut diplômée en juin 1951. Elève de Bertola, elle obtint le prix Chenavard en 1951. Geneviève Böhmer était un être discret qui avait reçu une véritable éducation. Pourtant, elle fut dans son œuvre comme dans sa vie dans une permanente transgression. Elle se savait double, et elle le dissimulait plus qu’elle ne le cachait, à l’image de sa fontaine en bronze, intitulée la Venissianne, une commande de Madeleine Lambert pour la ville de Vénissieux. J’admirais depuis toujours, le Buisson ardent installé devant la Bourse du Travail, hommage à ses amis artistes lyonnais, comme Henri Ughetto, ou Orlan. Je ne pardonnerai jamais à la ville de Lyon, la négligence qui affecta, pendant des années, le fonctionnement harmonieux de l’une de nos rares sculptures publiques. Geneviève en avait beaucoup souffert. Je me souviens de l’inauguration de la « Fanny » au Clos Jouve, en présence du critique d’art René Deroudille, indéfectible soutien de l’œuvre de Geneviève Böhmer. Lorsque, j’entrepris ma série de films sur l’art, il était pour moi évident qu’il me fallait réserver une place pour Geneviève Böhmer. Pendant le tournage, dans sa maison-atelier de Villeurbanne, je fus stupéfait au moment où elle retira un tapis, découvrant une large plaque de verre sur une femme allongée et abandonnée. Un hymne à l’amour… Alors qu’elle répondait à mes questions, vêtue d’une blouse blanche, Geneviève Böhmer interrompit la prise de vues. Elle s’absenta un bref instant. Elle revint vêtue d’une blouse noire. Geneviève avait tenu à manifester l’au-delà des apparences… Tout au long de mon parcours, je dois dire, de notre parcours avec Paule, elle manifestait son attention, son intérêt. Elle fut parmi les premiers abonnés de notre revue. Elle achetait tous nos livres. Geneviève Böhmer fut un exemple de rigueur dans l’accomplissement de sa liberté, et de celle des autres. Aujourd’hui, le monde des arts tout entier est atteint par sa disparition. Nous présentons à sa famille, et à ses nombreux amis, nos sincères condoléances… Cérémonie à la chapelle des petites sœurs des pauvres, mardi à 14h30, puis inhumation à 15h30 au nouveau cimetière de la Croix-Rousse.