Le monde de la peinture française est en deuil, Jacques Truphémus est mort...
Né à Grenoble, le 25 octobre 1922, Jacques Truphémus aurait eu quatre-vingt quinze ans, dans quelques semaines. L'un des plus passionnants peintres lyonnais avec André Cottavoz, Jean Fusaro, Jean-Albert Carlotti après l'inégalable, Jean Couty, n'était pas né à Lyon, mais, en Isère. Il exposa d'abord à Grenoble, où, il fut encouragé, ce dont il était très fier, par une figure éminente du monde des arts de cette époque, Andry Farcy, conservateur du musée, et soutien de la Modernité. Il s'installa à Lyon, en 1941, où, il s'inscrivit à l'école des beaux-arts, le 7 octobre. Il résidait alors, à l'Hostellerie des Jeunes, 2, place des Chartreux, à la Croix-Rousse, mise en place, dans une vaste baraque en bois par l'Armée du Salut. Jacques Truphémus fit alors la connaissance de sa future épouse, Aimée Laurens, fille du responsable. Il avait comme professeurs : René Chancrin, Henri Vieilly, et surtout, Antoine Chartres. En 1943, il quitta l'école pour le Service du Travail Obligatoire, où il retrouva Paul Philibert-Charrin et André Cottavoz. En 1945, il reprit ses études aux beaux-arts, pour en sortir en juin 1946. En 1947, il vécut à Paris, où il travaillait comme veilleur de nuit, tout en copiant des modèles, à l'Académie de la Grande Chaumière. En 1948, il devint sociétaire du Salon du Sud-Est, et participa à la première exposition, à la Chapelle du Lycée Ampère, lieu à la mode à cette époque, du groupe des Sanzistes avec ses amis : André Cottavoz, Jean Fusaro, Pierre Coquet, Françoise Juvin, Paul Clair, André Lauran, Pierre Palué, Antoine Sanner, James Bansac, Pierre Doye, le photographe Edouard Mouriquand, André Chaix dont l'oeuvre méconnue est en partie regroupée par les efforts de Michel Bosse-Platière, et, Jean Mélinand, le sculpteur. Dans la périphérie des Sanzistes, on rencontrait : Pierre Montheillet, Georges Adilon, Micheline Colin-Fleury, Henri Castella, Hélène Mouriquand, Eliette Bathion, Henri Lachièze-Rey, Henriette Barbezat, etc. Jacques Truphémus bénéficia du soutien d'un mécène important dont une partie de la collection fut dispersée, il y a quelques mois, le Dr Jacques Miguet. Depuis 1955, Jacques Truphémus occupait l'atelier du peintre, Etienne Morillon, membre influent du groupe Ziniar, dans la rue Clotilde Bizolon. Le parcours de Jacques Truphémus fut à ses débuts très difficile, et sa réussite nationale très tardive. Alors, qu'André Cottavoz et Jean Fusaro triomphaient à la galerie Tamenaga, à Paris, et au Japon, Jacques Truphémus peinait à convaincre à la galerie Romanet, aux côtés de ses amis Pierre Coquet et Françoise Juvin. Sa véritable réussite est assez tardive. Elle provient de sa rencontre providentielle avec un très estimable marchand, l'animateur de la galerie Claude Bernard. Je me souviens, comme, si c'était hier, de son premier vernissage dans la rue des beaux-arts, en 1990. Il y avait Denise Mermillon de la galerie Saint-Georges, et, Anne-Marie Martin de la galerie Malaval qui se précipitaient sur les tableaux, à l'affût de bons placements. Elles furent exaucées. Parmi mes souvenirs, il y a l'accrochage à la Maison de Lyon, en 1978, et surtout, la rétrospective au musée des beaux-arts, en 1986. Je l'ai déjà dit. J'ai été époustouflé par la présentation de ses œuvres récentes à la galerie Claude Bernard, qui fut prolongée jusqu'au 28 janvier 2017. La lumière jaillissait de chacune des toiles : du moindre de ses « intérieurs », de ses compositions intitulées : Livres, fleurs et fruits de 2015, ou, Roses blanches et nappe blanche dans l'atelier, toujours de 2015. La jeunesse, l'amour de la peinture, l'appétit pour la nouveauté saisissaient nos esprits, et convertissaient toutes les âmes à la compassion, à la rédemption dans la clarté, dans la pureté de sa palette. Il est curieux de penser que Jacques Truphémus quitta notre monde insensé dans un moment proche de celui où, Pierre Bergé fut emporté par la myopathie. Né sous le signe du scorpion, Jacques Truphémus, être exemplaire, disposait des ressources nécessaires pour surmonter les épreuves, comme le décès de son épouse, et son modèle, Aimée. Les familiers du café Bellecour, qu'il rendit célèbre par ses oeuvres, où, il aimait prendre ses repas, et retrouver ses amis, ne croiseront plus cet homme ouvert à la parole des autres, éternel quêteur de dialogue, désormais solitaire qui veillait avec une douceur vigilante au maintien de la flamme commune aux âmes de bonne volonté. Je présente à sa famille, et à ses amis, mes très sincères condoléances.