Marie-Thérèse Bourrat à la galerie Dettinger-Mayer…
Des peintures et des dessins, pour dire les mouroirs de notre République irrespectueuse de ses personnes âgées. Nous sommes nombreux à connaître ces lieux désespérants, où les infirmières dans les maisons de retraite, installent leurs patients, souvent pendant des heures. Ils vivent là, d’improbables proximités avec des êtres diversement affligés par l’horrible vieillesse. Marie-Thérèse assista, pendant sept années à l’hospitalisation de sa sœur, Odette Bourrat-Dupuis, mère de notre amie, Annie Brau qui fut élève de l’école des beaux-arts de Lyon. Pendant quatre ou cinq ans, Marie-Thérèse Bourrat qui, au naturel, est intéressée par tous les personnages, dans toutes les situations, dans la rue, dans le métro, aux terrasses des bistrots, commença une série de croquis traduisant ses émotions devant la variété des solitudes, des expressions de ces êtres en fin de vie. Elle produira trois carnets de ces émouvants croquis, dont je regrette l’absence dans cette admirable exposition. Il n’y a pas de période de faiblesse dans l’œuvre de Marie-Thérèse Bourrat. Ses fleurs sont le complément parfait de son expression la plus fidèle à sa sensibilité, à sa solitude éternelle. Car, avant tout, Marie-Thérèse Bourrat est une artiste sincère. Il serait indécent de lui demander de se conformer à quelque ordre que ce soit. Elle est rétive, avant tout. Ne cherchons pas à modifier son caractère, il est la source même de son art, de son extrême lucidité partagée avec son compagnon, Louis Mazuir, spécialiste d’astrologie. Je ne crois pas, hélas, que Marie-Thérèse Bourrat vendra beaucoup de toiles, ou, de dessins de cette série. Elle est trop fidèle à notre réalité, trop éprouvante pour nos congénères qui ne souhaitent pas cohabiter longtemps avec des images évocatrices de leur probable devenir, de leur mort. Une fois encore, Marie-Thérèse Bourrat accepte tous les risques. Elle n’est pas incomprise. Elle offre singulièrement, à notre humanité un miroir insoutenable de tout ce qui la constitue irrémédiablement. Un psychologue en devenir, un historien en gestation, a écrit, à propos de Marie-Thérèse Bourrat qu’elle était « le peintre de la solitude de l’homme ». Quelle amphigouri spectaculairement révélatrice d’une absence de maîtrise de notre langue, et de ses subtilités. Le même individu, écrit, plus loin : « la vieille dame qu’elle est aujourd’hui… » Comment a-t-il osé ? Marie-Thérèse Bourrat est plus jeune que bien d’autres. Sa peinture lui donne un sourire inaltérable, une force inépuisable. Quelle erreur ! Point besoin de mots pour décrire l’œuvre de Marie-Thérèse Bourrat, il suffit de regarder ses toiles, et, d’ouvrir son âme à sa sensibilité. Les malheureux qu’elle décrit, vivent dans son univers à elle. Elle se présente souffrante, grimaçante dans la pensée des épreuves vécues par sa sœur, Odette, tendrement aimée. Mais, le fauteuil qu’elle occupe, elle l’a peint cent fois. Il fait partie de son identité. Il est cerné de noir, dans un monde perpétuellement en deuil, comme si, lui aussi avait vieilli, comme s’il souffrait de ces constats amers. Au premier plan, on voit un visage en grande souffrance. Le témoignage de Marie-Thérèse Bourrat, nous bouleverse, parce qu’il est parfaitement conforme à ces moments de drames intenses qui surgissent chez chacun, avant de quitter un monde qui souvent n’épargna pas, par ses épreuves multiples, les plus courageux d’entre nous. Je vous recommande une visite de cette exposition manifeste contre l’indifférence qui tourne parfois à la malveillance… Signalons le livre du Pr Patrice Queneau, ami de Marie-Thérèse Bourrat, membre de l'Académie nationale de médecine, doyen honoraire de la faculté de Saint-Etienne intitulé : "Sauvez le médecin généraliste", chez Odile Jacob. Exposition jusqu'au 28 octobre 2017. Galerie Dettinger-Mayer. 4, place Gailleton. Lyon 2e. A.V.