Miriam Cahn. Ma pensée sérielle / Flammarion
Catalogue officiel de l’exposition. Collectif d’auteurs sous la direction de Marta Dziewańska, curatrice, historienne de l’art. Les œuvres de Miriam Cahn, façonnée par l’émergence du féminisme de la 2e vague, explorent divers aspects de notre réalité corporelle et nous incitent à regarder en face des événements sur lesquels nous sommes tentés de détourner notre regard. C’est la première grande exposition en France de cette artiste suisse, née à Bâle en 1949. Emma Lavigne, historienne de l’art, directrice générale de Pinault-Collection depuis 2021, écrit dans son texte "Danser dans la poussière" : "Engagée dans l’urgence de la création, l’artiste, en quelques heures, jamais plus de trois, jour après jour, met sur pause le flux des images volatiles, s’en saisit pour témoigner, résister, hurler, incarner, répéter. Dans l’atelier les œuvres sitôt achevées sont retournées, plaquées face contre mur, ordonnées par format, libérant à nouveau une page blanche, générant un vide dans lequel l’artiste, au gré des agitations du monde, des forces du hasard et de ses propres obsessions, peut corps et âme s’engouffrer, "plonger, travailler, émerger." Ces lignes disent l’essentiel d’une œuvre comme un site de résistance individuelle et de dissidence dénonçant l’humiliation et la violence. Miriam Cahn se forme au graphisme, puis s’en détourne pour le dessin. Qu’ils soient exécutés à la craie, sur les murs des galeries et dans l’espace public, ou au fusain, sur de grands cahiers posés au sol, ses premiers dessins de la fin des années 1970 manifestent une expression véhémente, violente, transgressive. L’artiste utilise aussi son propre corps comme matériau dans des performances vidéo. La notoriété acquise avec la présentation de son œuvre à la Documenta de Kassel de 1982 coïncide avec l’emploi systématique de la peinture à l’huile qui devient alors sa pratique de prédilection. Marta Dziewańska écrit dans: "Miriam Cahn : ça nous regarde" : "Ce sont des dessins au charbon violents, rapides et impermanents, qui pour l’artiste représentent la seule façon adéquate de transmettre la dynamique de la réalité qui défile sous ses yeux et la cacophonie du temps qu’elle vit : un cluster de perceptions, de souvenirs, d’imaginations, de désirs, de peurs et de phobies". «"les "riens" qu’elle crée sont aussi des toiles inquiétantes et oniriques aux couleurs chatoyantes, peuplées de personnages aux contours flous, aux traits du visage simplifiés et aux parties intimes exagérées, parfois grotesques". Des formats les plus minuscules aux plus démesurés, Miriam Cahn exprime, quitte à nous déranger, le traumatisme, la fureur, en écho des conflits contemporains, des changements géopolitiques et de leur conséquence depuis le début des années 2000 qui ont poussé des centaines de milliers de personnes à migrer vers l’Europe. Elle répond aujourd’hui avec rage à la guerre en Ukraine. En conversant avec Patricia Falguières, Élisabeth Lebovici et Nataša Petrešin-Bachelez, en 2014, Miriam Cahn diisait : "Pour moi, il y a donc trois situations historiques : la première guerre du Golfe, la guerre des Balkans et le 11 septembre". "Je"c’est toujours "nous" dit-elle à Clara Schulmann, en 2022. Paul B. Preciado, écrivain, philosophe commissaire d’exposition et activiste espagnol écrit en 2018 à son propos "La chair transuzarienne » et Amin Alsaden en 2021, dans son texte "Le refuge comme acte de résistance" : "Il est troublant pour moi de regarder les œuvres de Miriam Cahn qui saisissent l’expérience des personnes déplacées…". L'Ukrainienne Iryna Tsilyk, réalisatrice et écrivaine , quant à elle signe : "La voie de l’ouroboros" à propos de la guerre en Ukraine. Un catalogue remarquable dans une mise en page résolument contemporaine, et une exposition incontournable. Broché. Format : 21,3 x 28,2 cm. 192 p. Plus de 150 œuvres reproduites. 39€. Palais de Tokyo, Paris. Jusqu’au 25 mai 2023. Paule Martigny