Pierre Soulages pendant son discours a fustigé l'aberrante inscription socialiste des œuvres d'art à l'Impôt de Solidarité sur la Fortune...
Lorsque nous traversions le jardin du musée avec sa fontaine qui témoigne de la brutalité dont il fut victime pendant sa hâtive restauration, nous avons croisé Isabelle Bertolotti, conservateur au Mac de Lyon, très détendue malgré les grèves qui viennent de fédérer une partie du personnel. Au début, il y eut le projet d'acquisition de trois œuvres désormais installées en bonne place dans le fonds du musée, pour la somme d'un million d'euros, prix tout à fait normal pour la production de cet artiste, peut-être plus connu dans le monde que certains expressionnistes abstraits comme Franz Kline, avec lequel il fut mis en concurrence dans les années 60. Au musée des beaux-arts de Lyon, pas de protocole, les invités picolaient joyeusement sous les arcades, pendant que la cérémonie d'accueil de Pierre Soulages se déroulait gentiment dans ce qui fut le réfectoire des nonnes, lieu lugubre comme Gérard Collomb, qui remit à Pierre Soulages une médaille lourde de symbole. Courtois, Pierre Soulages l'a reçue élégamment. Toutefois, cet homme qui aime la vérité plus que tout déclara sans ménager les sensibilités : « je déteste les expositions. Pour moi, elles représentent le passé. Et pour moi l'avenir, c'est de retrouver mon atelier à Sète pour peindre. » En outre, en respectable professionnel, il a déclaré à propos de l'indexation des œuvres sur l'impôt de solidarité à la fortune, projet délirant, pourtant retenu par les parlementaires : « Il faut que les œuvres d'art ne soient pas comprises dans l'ISF", a-t-il insisté « au risque de voir apparaître un "art officiel", ce qui serait la pire des choses, faute de mécènes privés pour encourager les artistes ». Dans un petit film diffusé à l'entrée de l'exposition absolument magnifique, vous verrez le plus célèbre des sétois après Paul Valéry, Georges Brassens, et Jean Vilar, paisible face à la Méditerranée. J'ai eu la chance de réaliser avec Michel Ragon, historien et critique d'art, un film qui faisait le point sur leur rencontre et sur le parcours de Pierre Soulages. Je le dis immodestement, j'étais assez heureux lorsque Pierre Soulages me dit, hier soir : « je suis très heureux de vous revoir... » Ces quelques mots, si chaleureux valent pour moi toutes les médailles. Elles saluent la qualité du travail entrepris avec Michel Ragon par les Editions Mémoire des Arts. Quel beau moment passé à la table de Colette Soulages, rue de Bièvre, où nous apprîmes l'existence de Mazarine Pingeot, alors que la rumeur courrait dans les rues de Paris. Jean-Pierre Michaux, toujours président de l'Institut d'Art Contemporain de Villeurbanne, membre du Conseil d'administration du Mamco à Genève avait fait le voyage depuis les rivages du Léman. Thierry Raspail tout de noir vêtu était au diapason des toiles accrochées aux cimaises. Quelle distinction, et quel sérieux ! Noir, c'est noir, pensait peut-être le préfet Carenco. Jacques Truphémus qui fêtera le 25 octobre prochain ses 90 ans, semblait avoir oublié les options qui opposèrent les Sanzistes aux peintres abstraits dans les années d'après Seconde Guerre Mondiale. Qui a dit que seuls les imbéciles n'évoluaient pas? Tiens à ce propos, on pouvait voir Patrice Béghain, tellement vite oublié à Lyon. Paul Gauzit, le galeriste de la place Gailleton, toujours hirsute. Comment croire à son intérêt pour l'œuvre de Soulages? Il est plus vrai dans son rôle de brocanteur embourgeoisé. Le sculpteur Geneviève Bohmer avait surmonté l'immense peine qui fut la sienne lors du décès de sa maman à plus de cent ans, il y a quelques semaines. Un chagrin éternel. Nous lui avons adressé nos très sincères condoléances. Nicole Duraz épouse du regretté Albert Duraz, dont l'œuvre figure parmi les prestigieuses collections du musée des Arts décoratifs de Paris. Qui peut en dire autant? Danielle Perge qui fut élève de l'école des beaux-arts de Lyon et dont les oeuvres figurent aux cimaises du salon Regain. Marie-Agnès Gachet-Mauroz souriait, heureuse d'avoir produit un tryptique qui marquera le prochain salon du Sud-Est. Georges Képé le néant n'a pas pris la parole. Ouf ! Il portait une barbe de deux jours dont il était fier, comme un apôtre du Christ. Brave homme ! Sylvie Burgat ne le lâchait pas d'une semelle. Un vrai métier. Peut-être échangèrent-ils des conseils de raseurs? Une foule de fonctionnaires, de femmes et d'hommes en missions, d'èlèves d'écoles d'art en quête de nécessaires encouragements, d'artistes à jamais marginalisés, jouaient des coudes, révélant malhonnêtement une déplorable éducation d'arrivisme forcené. Jean-Claude Guillaumon qui fut membre de Fluxus avec Ben et Georges Maciunas, ne semble pas regretter les longues années pendant lesquelles, il anima courageusement le Centre d'Arts Plastiques de Saint-Fons. Parmi les retraités, ignoré des Lyonnais, Denis Trouxe bientôt capable de passer derrière une affiche, électorale bien entendu, sans la décoller. Quelle présence ! On ne se refait pas. L'exposition est magnifique et irréprochablement accrochée. La scénographie est pensée et soignée dans tous les espaces où l'œuvre se révèle avec des pièces réalisées depuis 2000. A l'étage, où l'art moderne est représenté, en dépit d'une toile de Max Schoendorff suiveur d'Hans Bellmer et de Dado, même efficacité de Soulages avec des toiles plus anciennes. Quel chemin parcouru depuis les broux de noix de 1947, année où il rencontra à Paris Michel Ragon, puis exposa avec Hans Hartung, avant que naisse une forte amitié et complicité avec Zao Wou-Ki et Gérard Schneider. Pierre Soulages dont l'œuvre fut longtemps incomprise fait désormais l'unanimité dans le cœur et l'esprit du public lyonnais... C'est merveilleux !... Soulages XXIe siècle. Musée des beaux-arts de Lyon jusqu'au 28 janvier 2013. 20, place des terreaux. 04 72 10 17 40. www.mba-lyon.fr