"Retourner la terre" exposition de Bernard Clarisse à la Maison natale de Millet
Le musée d'histoire de Saint-Martin-en-Campagne avait accueilli en 2017 une exposition de Bernard Clarisse nommée "Les Travailleurs de la terre ". Une partie de ses œuvres était centrée sur les paysans, attachée à une relecture des toiles de Millet : Les Glaneuses, L’Angélus, et Van Gogh, avec Champ contre champ. Depuis le 7 avril 2023 et jusqu’au 3 novembre 2024 avec "Retourner la terre" c’est la maison natale de Jean-François Millet qui accueille les œuvres de Bernard Clarisse. Tableaux, sculptures, installations, et variations autour de l’Angélus et des Glaneuses, dialoguent avec douze œuvres de la collection départementale. Ces deux toiles emblématiques de Millet illustrent le caractère intemporel de la condition paysanne et, à travers elle, la condition humaine. "Retourner la terre" est symbolique du travail de Bernard Clarisse artiste-plasticien normand qui depuis des décennies crée des variations de l’Angélus ou des Glaneuses de Millet, profondément enraciné dans l’identité de sa terre normande et attentif à représenter les plus humbles. Comment regarder cette œuvre et la décrypter, au-delà de sa puissante beauté plastique ? Bernard Clarisse propose une interprétation du travail de la terre, inspirée par la lecture des auteurs grecs et par l’histoire de l’art. Plusieurs axes dirigent sa réflexion et sa démarche artistique. La terre est exprimée dans toute son ambivalence, symbole de vie et de mort, celle qui nourrit et terre-linceul. D’autre part Bernard Clarisse conçoit le paysan comme un soigneur de la terre au même titre que le médecin soigne l’homme. C’est ainsi qu’il faut comprendre sa référence constante à Asklépios, le dieu-taupe, qui œuvrait dans un souterrain à Epidaure. Raison pour laquelle il perce, incise ses toiles qu’il nomme "champs opératoires" et qu’il crée des soulèvements en relief à l’image des galeries creusées par les taupes. Autre symbolique, l’attribut d’Asklépios, le serpent enroulé autour d’un bâton qui a le pouvoir de guérir. L’artiste qui se définit comme un "médecin de la peinture", place des têtes de serpents sur des manches d’outils, leur prêtant un pouvoir magique et les transformant en instruments de guérison. L’emploi du doré quant à lui est hérité de Byzance et des icônes avec sa dimension sacrée et mystique. Il fait aussi référence au poète grec antique Pindare qui mit en garde les médecins contre l’appât du gain en racontant la mort d’Asklépios. L’or signifie donc à la fois la tentation, la cupidité et la pureté. Les traces de pas font aussi partie des motifs récurrents dans cette œuvre riche de multiples lectures. Pour conclure, Bernard Clarisse nous convie à la relecture d’œuvres du XIXe siècle, ici, en l’occurrence, celles de Jean-François Millet par des détournements dont on apprécie l’autodérision et la malice (cartes postales, canevas, tableaux...). La Maison natale Jean-François Millet, est propriété du Département de la Manche et gérée en partenariat avec la Commune de La Hague. Labellisée "Maison des Illustres" par le ministère de la Culture et de la Communication en 2011. Le site propose un parcours concentré sur les relations intimes que Millet a entretenues avec son pays natal, la presqu’île de la Hague. Les expositions thématiques permettent de valoriser les collections et d’illustrer l’influence de Jean-François Millet sur les courants artistiques depuis la fin du XIXe siècle. Jean-François Millet, né au hameau Gruchy, à Gréville-Hague dans la Manche, le 4 octobre 1814, passa sa jeunesse dans les champs, participant avec les siens aux travaux de la terre. Touché au fond de son âme par ces éléments marquants, il traduisit les durs labeurs, les misères, les inquiétudes et les passions de l’homme voué au travail de la terre. Même s’il ne revint qu’en de rares occasions dans son village natal, son œuvre témoigna de l’empreinte profonde laissée par Gruchy et la Hague. Programmez cette visite réjouissante. "Retourner la Terre" Maison natale Jean-François Millet 19 Hameau Gruchy, Gréville-Hague. Jusqu’au 3 novembre 2024 Tél : 02 33 01 81 91 . maisonmillet@lahague.com Facebook : Patrimoine et musées de la Manche. Renseignements sur le site : manche.fr. Paule Martigny – Mémoire des Arts