Chantal Chagny, un chef hors-les-normes
Il s’agissait d’abord de : « A l’infortune du pot » un exemplaire dédicacé par Curnonsky, qui à sept ans décida de sa vocation. Plus tard, Chantal recevra en cadeau de ses parents « Cuisine et Vins de France », ouvrage de référence, écrit par le prince élu des gastronomes, qui fut aussi le parrain de Chantal Chagny. Après ces lectures, Chantal Chagny s’orienta vers la recherche des « saveurs de nos terroirs », et la préservation de méthodes traditionnelles. Le Cep à Fleurie fut la rencontre de deux destins puissants, portés par la même dévotion pour la gastronomie, Chantal Chagny et Gérard Cortembert. Chantal Chagny avait passé trois ans à l’école hôtelière de Grenoble, puis vécu cinq ans en Angleterre. En 1968, elle n’était pas sur les barricades, mais à Fleurie pour acquérir le Cep. Elle fit l’ouverture au printemps 1969, avec un menu à 11 francs. Gérard Cotembert avait lui aussi rêvé cette affaire, au cœur du bourg de Fleurie. Hélas, le contrat était signé avec une jeune fille de Lancié, lui avait on dit. Gérard Cortembert était mortifié. Alors, le jour où il vit paraître, dans l’établissement où il travaillait, cette jeune personne plus chanceuse que lui, il ne répondit pas aux propositions d’embauche qu’elle lui faisait. Au contraire, il l’a fit attendre. A Fleurie, les temps étaient difficiles pour Chantal qui renouvelait régulièrement son offre à cet être singulier, dont elle avait reconnu le talent. Et puis, un jour, de meilleure humeur, Gérard Cortembert accepta, et l’aventure du Cep commença pour un voyage vers les deux étoiles du prestigieux guide Michelin. Nous étions alors en 1979, Chantal et Gérard recevaient les célébrités de l’époque : Lino Ventura, Paul Bocuse, Catherine Deneuve, Jean-Louis Trintignant, Bernard Pivot, Raymond Barre, etc. Gérard Cortembert devint une légende en cuisinant dans leur vérité : des homards bretons, de la langouste, du rouget, du turbot, des soles, du chevreuil, du civet de lièvre, du faisan, etc. Chantal Chagny se souvient que « tout était dans la fraîcheur, dans la justesse des assaisonnements, des cuissons, dans l’équilibre des saveurs. » Après la mort brutale de Gérard Cortembert, en juin 1990, il fallut affronter une situation compliquée. Chantal Chagny fit preuve de beaucoup de courage. Puis, elle décida de rompre avec le culte des étoiles. Elle supprima tous les aspects superfétatoires de son métier. Elle conserva une étoile, et composa une cuisine portée par la sublimation des produits locaux. Chantal Chagny était, entre autres talents, l’impératrice de la Matelote. Elle avait bénéficié de la reconnaissance du New York Times. En France, elle fit l’admiration de Périco Légasse. Sa cave était constituée de quelques-unes des plus prestigieuses adresses du Beaujolais. Je plains depuis la fermeture du Cep, tous ceux qui n’auront pas la chance de goûter à sa cuisine de « Mère Française », l’une des dernières, incontestablement.