Brillant comme une larme / Albin Michel
« Brillant comme une larme ». Jessica L. Nelson a emprunté cette expression à Jean Cocteau, tirée d'une phrase de « Mystère de Jean Loiseleur ». Il définit avec une infinie finesse l'étrange météore Raymond Radiguet (1903-1923), qui eut la prescience du peu de temps qu'il avait pour accomplir son destin. Conscient de son charme, il n'a que quatorze ans lorsqu'il séduit Alice, de dix ans plus âgée que lui, et fiancée à un Poilu. Cette passion lui inspirera quelques années plus tard, « Le Diable au corps » (Grasset, 1922), qui fera scandale. Jessica L. Nelson a choisi la forme du roman pour évoquer ce génial Janus. Natif de Saint-Maur-des-Fossés, il est féru de littérature. Son livre fétiche est La Princesse de Clèves. Depuis l'âge de douze ans, il écrit, surtout des poèmes. Radiguet qui prend des cours de dessin à l'école d'art Colarossi à Paris a l'obsession d'être publié, de rencontrer les bonnes personnes. Ce sera d'abord André Salmon, qui le présentera ensuite à Max Jacob. Puis, Jean Cocteau qui deviendra son pygmalion et la figure tutélaire dont il avait besoin. Il baignera dans le tout Paris littéraire et artistique : Blaise Cendrars, Joseph Kessel, le groupe des Six, Jean et Valentine Hugo, Coco Chanel, Béatrice Hastings, André Breton, Louis Aragon qui le déteste, Georges Braque, Constantin Brancusi, Pablo Picasso, Jacques Doucet, etc. Jessica L. Nelson fait habilement le portrait de Radiguet par le truchement de chaque rencontre. Ainsi, il apparaît sous de multiples facettes. Car, il n'est pas facile à cerner ce jeune prodige à l'âme tourmentée. Ce Raymond qui collectionne les conquêtes féminines, qui boit trop, qui abuse de l'opium. Raymond Radiguet rencontra son dernier amour, Bronia Perlmutter au bal Bullier (Bronia épousera René Clair en 1926). Ils juraient de se marier lorsque la typhoïde l'emporta. Il venait de finir « Le Bal du comte d'Orgel », un triangle amoureux sur fond de fêtes de la bourgeoisie et de la noblesse parisienne fortunées de l'après-guerre. Lisez ce roman très vivant, qui mêle des anecdotes savoureuses. Vous apercevrez Cocteau virevoltant dans une fête entre bouteilles d'alcool et déclarant : « Si je n'étais pas poète, je serai barman ». Un convive lança alors dans le brouhaha : Cocteau n'est-il pas le pluriel de cocktail ? On ne s'ennuie pas une seconde dans ce foisonnement culturel et intellectuel intense avec Raymond Radiguet, incernable, parfois inquiétant, totalement subjuguant. Broché. Format : 14 x 20 cm. 320 p. 19,90€. Paule Martigny