Enfant de salaud / Grasset
Le père de Sorj Chalandon était violent, imprévisible. Longtemps, il l’a bercé de ses exploits de résistant, jusqu’au jour où son grand-père s’est emporté : "tu es un enfant de salaud". Sorj Chalandon a voulu savoir. Mais il n’a jamais osé poser cette question à son père : Qu’as-tu fait sous l’occupation ? Salaud ? Un mot mérité, et plus encore puisque son père fut un ignoble affabulateur, capable de virevolter sous le souffle des partis politiques les plus abjects. En mai 1987, alors que s’ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Sorj Chalandon découvre que son père fut pendant la guerre un stupéfiant et dangereux caméléon. Était-ce l’attrait des uniformes, de l’esprit de groupe ? Sorj Chalandon réalisa que son père avait entre 18 et 22 ans pendant cette période. Sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, il a porté cinq uniformes en quatre ans. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine. En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entière, y compris son propre fils devenu journaliste, jusque sur son lit de mort. Au moment du procès de Klaus Barbie, Sorj Chalandon est assis dans les rangs de la presse, son père suit, attentif au milieu du public. Ce roman raconte ces guerres en parallèle. L’une rapportée par le journaliste, l’autre débusquée par l’enfant de salaud. Les cicatrices que lui imposa son père lui font écrire : « la salaud c’est l’homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. Sans traces, sans repères, sans lumière, sans la moindre vérité. Le salaud c’est le père qui m’ a trahi. Je ne suis pas certain que l’admirable Albert Londres auquel on a donné le nom d’un prix honorifique serait très fier de voir qu’on l’attribua en 1988 à ce maître des calomnies les plus odieuses ». Sorj Chalandon, 57 ans, a été journaliste à Libération. Ses reportages sur l'Irlande du Nord et le procès Klaus Barbie lui ont valu le prix Albert-Londres en 1988. Il a publié chez Grasset Le petit Bonzi (2005), Une promesse (2006, prix Médicis) et Mon traître (2008). Broché. Format : 14 x 20 cm. 336 p. 20,90€. Alain Vollerin