La tristesse des femmes en mousseline / Calmann Lévy
Depuis les années 1980, Jean-Daniel Baltassat a publié une vingtaine de romans, dont Le Divan de Staline, adapté au cinéma par Fanny Ardant. Ici, il interroge le sens de la beauté et de l'art. Le récit débute l'après-midi du 20 février 1945, avec un appel téléphonique de Mathilde à son amant, Paul Valéry. Il neige. Elle le tire de sa rêverie, évoquant les découvertes des camps par les Soviétiques. Il était si bien, plongé dans sa contemplation de l'infinie délicatesse d'une aquarelle de Berthe Morisot. “ Elle qui ne peignait ni l'apparence des choses, ni le sens des corps, mais le prodige de l'instant aveuglant et l'effroi de sa disparition.” Le vieil homme solitaire s'apprête alors à vivre une nuit d'insomnie. L'indignation de Mathilde le renvoie à celle d'une jeune femme croisée à l'Orangerie pour une rétrospective Berthe Morisot, en 1941. Elle la concevait comme une incongruité en pleine Occupation. Lui, avait accepté d'écrire quelques considérations sur Berthe Morisot. Un art subtil, la beauté, alors que les nazis grouillaient dans les rues de Paris : “ La beauté est morte, lui crie-t-elle, elle n'a servi à rien, ne nous a protégés de rien. Nous sommes entrés dans l'enfer et n'en sortirons plus jamais.” Jean-Daniel Baltassat joue habilement des retours passé, présent, et, des réminiscences de Valéry. L’écrivain repense aux mardis de Mallarmé, en 1894, Berthe Morisot avait alors la cinquantaine. De superbes envolées nous transportent au cœur de la vie des peintres : la rencontre de Manet et Duret à Madrid, la colère de Degas à la vente Duret chez Durand-Ruel, bien des années plus tard, etc. Nous vivons la visite chez Degas du jeune Valéry. Un Degas, magifiquement réssuscité. Des pages sur la folie du beau, sur la relation Manet-Morisot, sur les multiples séances de pose pour Le Balcon, et surtout, sur la personne et l'art de Berthe Morisot, et son “ excès d'amour ”. Son obsession à saisir l'éphémère, la menace de la folie, son anxiété, son obstination, et le carnet que Berthe Morisot lui a laissé en héritage. Un titre à retenir en cette rentrée littéraire. Broché. Format : 13,7 x 21,4 cm. 336 p. 19,50¤. Paule Martigny.