Le camp de l’humiliation / Editions Picquier
Kim Yu-kyeong est une romancière nord-coréenne. Elle a dû fuir en Corée du Sud dans les années 2000 et garde encore aujourd’hui sa véritable identité secrète, par crainte de nuire aux membres de sa famille restés en Corée du Nord. En avril 2012, elle publie son premier roman en Corée du Sud, non traduit. « le Camp de l’humiliation », paru en février 2016, est son deuxième roman. La douleur de Kim Yu-kyeong est toujours présente. Elle se remémore ses souffrances en pensant au calvaire qu’endure le peuple du Nord, avec cette fiction qui nous fait prendre conscience que cela se passe encore aujourd’hui. Elle a puisé dans ses propres expériences et les témoignages de son entourage pour écrire ce roman pathétique. Wonho est un jeune journaliste. Sa femme, Su-ryeon, joue du gayageum pour l’orchestre symphonique de Pyongyang. Refusant l’ultimatum de divorcer, la famille entière est déportée dans un camp de prisonniers politiques dans une vallée reculée. Luttant contre la faim, le froid et les privations, ils travaillent ensemble et se soutiennent. Mais depuis quelque temps Wonho est devenu un autre homme, « un peu comme un cerf-volant dont le fil a été coupé ». Année après année, les persécutions viennent à bout de leur dignité jusqu'à les précipiter dans un enfer moral où la volonté de survivre justifie tous les moyens. Chaque personnage se renferme sur sa détresse et se laisse envahir par la solitude et la haine de l’autre. Bientôt, ils n’ont presque plus rien d’humain et leur existence ne se résume plus qu’à la survie. Su-ryeon obtient le poste de comptable grâce à l’appui du capitaine Chae Min-kyu. Elle se remémore ses intentions un peu malsaines à son égard. Secrètement amoureux d’elle par le passé, il la viole. Wonho est envoyé dans un camp de travail, sur une décision de Chae Min-kyu. La jeune femme parvient à s’enfuir en Corée du Sud avec l’aide de Kang, une des rares personnes à ne pas s’être laissée détruire par la vie du camp. Un homme bon et sincère. Puis le capitaine et Wonho s’échappent à leur tour. Profondément meurtris les trois personnages vont se retrouver et se déchirer. Un enfant dont Su-ryeon était enceinte lors de sa fuite laissera-t-il entrevoir un avenir porteur ? Comment survivre sans renier sa dignité d'être humain, comment se réparer et pardonner? C'est la question que pose son roman, qui est celui de la résistance et de la résilience. Paru aux éditions Picquier en grand format en février 2019. Traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Stéphanie Follebouckt. Broché. Format : 11 x 17 cm. 480 p. 11€. Paule Martigny