Le clou / Zulma Poche
Zhang Yueran est une des voix les plus prometteuses de la littérature chinoise d’aujourd’hui. Elle avait découvert une nouvelle adressée à une revue littéraire de Shanghai, Le Clou inspirée d’une histoire vraie dont l’auteur avait été témoin dans son adolescence. Dans un bâtiment de la résidence réservée aux familles du personnel hospitalier, quelqu’un avait enfoncé un clou dans le crâne d’un médecin lors d’une séance critique. Celui-ci avait perdu l’usage de la parole et de ses membres. Réduit à l’état de légume, il avait passé le reste de sa vie sur un lit d’hôpital. Dans ces années troublées des choses cruelles se produisaient couramment, mais cette affaire là avait laisse une trace indélébile dans l’esprit du jeune homme. Sa nouvelle fut refusée, jugée trop pessimiste. Cet homme, c’était le père de Zhang Yueran. Début 2011, ce nouveau roman n’avait pas encore de titre. Cette histoire qui avait tant marqué son père, ce passé la marqua à son tour. Elle avança dans l’écriture à tâtons dans le brouillard jusqu’à l’éclaircie. Ce que son père avait porté en lui toute sa vie lui revint comme un héritage. Quand le tempérament, l’époque et l’Histoire se mêlent ils forment ce roman unique dans lequel on progresse doucement, subjugués par son rythme. Zhang Yueran l’a bâti autour de deux personnages. Li Jiaqi, et Cheng Gong, la petite trentaine un peu cabossée, se retrouvent après des années. Dans leur jeunesse ils étaient inséparables, quand ils jouaient à chasser les mystères du côté de la Tour des morts, sur le campus de la Faculté de médecine. Elle est la fille d'un poète professeur de littérature et d'une paysanne anesthésiée par la vie urbaine, Lui est le fils d'une femme évanescente et d'un raté désagréable, élevé par une grand-mère tyrannique. Li Jiaqi rentre de Pékin où elle était rédactrice de mode, Cheng Gong habite encore avec sa tante dans l'appartement de son enfance. Leurs grands-pères étaient collègues, l’un éminent chirurgien, l’autre directeur adjoint de l’hôpital universitaire. C’est avec eux que tout a commencé, aux heures les plus sombres de la Révolution culturelle. Dans un huis clos peuplé de souvenirs, de non-dits et de rêves d'enfance, Li Jiaqi et Cheng Gong se racontent et avancent une à une les pièces manquantes de leurs histoires familiales. Inexorablement le passé exterminateur imprime sa trace sur la vie de ces deux handicapés de l’amour. Lecture éminemment conseillée. Traduit du chinois par Dominique Magny-Roux. Collection Littératures du monde entier. Broché. Format : 11 x17 cm. 640 p. 10,50€. Paule Martigny. Mémoire des Arts