Les mouches bleues / Plon
« S’il n’y avait qu’un roman que je devais écrire, c’était celui-ci. Si on me demande combien de temps il m’a fallu pour l’écrire, je répondrai toute une vie. Je me suis hasardé sur la frontière fragile qui sépare la fiction de la réalité, conscient des plaies profondes que je pouvais rouvrir parce que je crois au devoir de mémoire » écrit l’auteur, Jean-Michel Riou dans la postface. « Les Mouches bleues », insatiables, jamais repues, attirées par les cadavres, par la mort, ce sont les nazis. Ce roman c’est l’histoire d’Aleksander Tytus Kulisiewicz (Cracovie 1918-1982) dont il est le narrateur. Arrêté à cause d’un pamphlet sur Hitler, il fut déporté au camp de Sachenhausen. Certains personnages sont fictifs, mais pas ce qu’ils ont subi. Les exactions commises sont totalement exactes. Ceux qui liront ce roman comprendront à quel point Jean-Michel Riou s’est investi et pourquoi. Aleksander Kulisiewicz s’attacha à se remémorer les chansons, à mémoriser celles des autres, à en inventer. Chaque morceau s’écoutait et se regardait avec la gestuelle, le mime, les gémissements. Les spectacles étaient organisés en secret dans les blocks. Le camp de Sachsenhausen implanté en 1936 fut choisi pour sa proximité avec Berlin. C’était le lieu où étaient formés les SS qui séviraient ensuite dans les autres camps. Il était aussi un lieu de stockage des biens volés aux victimes dans tous les camps de concentration du Reich. Les méthodes d’organisation et de répression y étaient élaborées et testées, ainsi que la mise au point des techniques d’extermination massive et la réalisation d’expériences médicales. Les quatre crématoires ont fonctionné jour et nuit sans interruption. Sur 204 537 déportés entrés, 100 167 y ont été exterminés. C’est sans compter les victimes de la longue marche pour vider le camp après la défaite. Dès les années 1960, Aleksander Kulisiewicz transcrivit les chansons du camp et se lança dans la rédaction monumentale sur la poésie et l’art musical des déportés collectant des centaines de chansons et de nombreux dessins, aquarelles, sculptures., composant une des plus importantes collections au monde. Il se produisit sur scène jusqu’à sa mort dans de nombreux pays et enregistra des albums. « Je ne chante ni pour l’argent, ni pour la gloire. J’exécute le testament de mes compagnons de misère dont la voix s’est tue dans l’enfer des camps nazis… » « J’ai employé ma mémoire comme une archive vivante. » « J’ai survécu à la période nazie. Mais je n’ai jamais quitté le camp de concentration. » Aleksander a survécu quatre ans par miracle. Il avait promis de tenir jusqu’à la mort d’Hitler. Les Russes le trouvèrent agonisant sur le bord de la route. Une lecture indispensable. Broché. Format : 13 x 21 cm. 272 p. 19€. Paule Martigny