Zephyr, Alabama / Éditions Monsieur Toussaint Louverture

Jeudi, 18 Juillet, 2024 - 11:03

"L’envoûtant portrait d’un monde sublimé par le regard de l’enfance". Une grande aventure de lecture.

L’auteur de ce roman, Robert McCammon, est né dans l’Alabama en 1952. Élevé par ses grands-parents, enfant solitaire, il se met à écrire dès l’âge de dix ans, vraisemblablement stimulé par un grand-père conteur très inventif. Après quelques échecs à faire publier ses nouvelles, il entreprend l’écriture de son premier roman Baal, publié en 1978, déjà centré sur l’opposition entre le bien et le mal. Une douzaine de romans suivront jusqu’en 1992. Il est alors reconnu parmi les grands auteurs de littérature fantastique. Ses best-sellers seront sacralisés , entre autres, par le Prix Bram Stoker 1991 et le Prix World Fantasy du Meilleur Roman 1992.

Zephyr, Alabama. Nous avons là un roman qui mêle fiction et autobiographie. Celle de l’écrivain enfant à l’âge de onze ans. Un livre dense et copieux, de plus de 600 pages qui appartient aux lectures marquantes dont il ne faut pas perdre une bribe. On peut associer la puissance de son écriture et la profondeur de sa réflexion à L’œuvre de Dieu, la Part du Diable de John Irving et Un Jardin de sable d’Earl Thompson (1970, réédité par Monsieur Toussaint Louverture en 2008).

Zephyr est la ville où vit Cory Mackenson avec son père et sa mère. En 1964, la vie est simple et rassurante. Les habitants sont employés à l’usine de papier ou à la laiterie, les familles malgré leurs différences s’entendent bien, même si certains éléments plus dominateurs ou excentriques troublent la tranquillité. L’imagination débordante de Cory y trouve matière à alimenter ses récits habités de monstres et de cow-boys.

Cette paisible existence est ébranlée par un froid matin de printemps. Alors que Cory accompagne son père dans sa tournée de laitier, ils voient une voiture sombrer dans les eaux profondes et sombres de Saxon’s Lake. Son père plonge, mais le conducteur est déjà mort le visage tuméfié, menotté à son volant. Impuissant devant l’horreur de cette voiture qui va s’enfoncer inexorablement au fond du lac et incapable de remonter ce corps, il va être hanté par cette image et profondément troublé dans ses certitudes : "Je vois que par mon père, tous les hommes étaient bons dans le secret de leur âme. Ce qui s’était passé avait ébranlé en lui les fondements mêmes du Bien." Son père dépérissait prisonnier de"’abîme de ses tourments"

Les yeux de Cory s’ouvrent peu à peu sur les forces puissantes et souvent mystérieuses qui l’entourent : une vieille femme de plus de cent ans, crainte comme une sorcière, qui peut entendre les morts et envoûter les vivants, simplement parce qu’elle voit au-delà du visible dans l’esprit et le cœur des hommes, un clan violent qui n’agit qu’à la pleine lune, les petites frappes imprévisibles de son quartier. Cory va devoir affronter les secrets qui se cachent dans l’ombre de sa ville natale et traverser le fin voile entre fantaisie et réalité, entre rêve et magie, car la santé des siens et sa propre vie sont peut-être en jeu. Qui était cet homme dont l’identité ne parvient pas à être établie, et qui l’a tué ?

Bienvenue dans le monde de Cory et au cœur de la naissance d’un écrivain, qui est le deuxième axe de ce roman. Le jeune garçon découvre la magie des mots, leur puissance et le moyen de déployer sentiments, souvenirs et imagination. Il avait découvert "que le statut d’écrivain, vous donnait pas mal de latitude pour s’arranger avec la vérité même s’il ne valait mieux ne pas en abuser." Suivra-t-il cette recommandation? "Ne sois pas si pressé de grandir (…) Reste un enfant aussi longtemps que tu pourras, car une fois que tu auras perdu la magie de l’enfance, tu passeras le reste de ta vie à vouloir la retrouver."

Dominique Bordes, fondateur de la maison Monsieur Toussaint Louverture est un éditeur à part. Il publie peu et sélectionne les titres avec une attention particulière. Les couvertures de ses livres sont éminemment bien composées et le corps d’ouvrage très soigné. Achetez ce magnifique roman emblématique de la justesse du choix de cet éditeur.

Collection Les Grands Animaux. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Stéphane Carn avec la participation d’Hélène Charrier. Broché sous jaquette en Materica Verdigris imprimée en offset et marquée à chaud. Format : 12,5 x x19 cm. 612 p. 14,50€

Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com