Bartleby, le scribe / Dargaud
Il s’agit de l’adaptation de la nouvelle de Herman Melville publiée en 1853, sous-titrée, Une histoire de Wall street, par José-Luis Munuera, scénario et dessin. Wall street symbole d’une société qui va dans le mur. Un notaire de Wall street sollicite un copiste supplémentaire. Le jeune homme envoyé par la ville s’appelle Bartleby. Son petit bureau est face à une fenêtre devant un mur de briques. Peu à peu Bartleby ne prononce qu’une seule phrase en réponse à tout ce qui lui est demandé : « I would prefer not to » diversement traduite. Philippe Delerm dans son excellente préface propose : « Je préférerais pas ». On peut dire aussi « je préfèrerais ne pas le faire ». Bartleby répond inlassablement par cette phrase. Le notaire est désemparé devant la résistance passive de son employé. Il ne sait comment le congédier, finalement il abdique et c’est lui qui part. Bartleby est désormais seul dans un lieu vide. Les forces de l’ordre l’évacuent. On le retrouve dans la rue, immobile, face au mur. Les romanciers et les philosophes aiment beaucoup cette nouvelle, et cette résistance étrange empreinte de mélancolie. Au-delà de l’absurdité des tâches, c’est une dénonciation du processus d’aliénation propres aux sociétés industrielles. La bande dessinée aux couleurs du film de Sergio Leone, « Il était une fois en Amérique » dans les tons sépia, est une magistrale réalisation du virtuose José-Luis Munuera. L’atmosphère des scènes de rues de New York est époustouflante, sous la pluie ou sous la neige ou nimbée de lumière. Il a su merveilleusement donner corps à Bartleby, ce jeune homme énigmatique et obstiné. Magnifique mise en couleurs de Sedyas. Le dessin et la couleur sont subtilement imbriqués. Lisez attentivement la postface du « scribe » Alex Romero : « Soliloque d’un gentleman de Manhattan et d’ailleurs », elle en vaut la peine. Cet album sera rapidement collector. Relié. Couverture cartonnée. Sous jaquette à grands rabats. Format : 22 x 28 cm. 72 p. 15,99€. Paule Martigny