Buzzelli HP. Œuvres IV / Les Cahiers dessinés
Scénario d'Alexis Kostandi qui a travaillé plusieurs fois avec Buzzelli. HP date de 1973-1974. HP, horsepower est une expression anglaise désignant la puissance d'un moteur en mesure chevaline. Un cheval aux yeux hallucinés, tête noire et robe blanche galope, insensé. On le retrouve indomptable de case en case, d'histoire en histoire. Quel sens donner à ces apparitions apocalyptiques ? Quel est ce cheval ? Un intrus, un espion ? Quel symbole percevoir ? Avec ce choix de l'opposition de la civilisation à la sauvagerie, la vivacité du trait de Buzzelli, son sens du mouvement et son puissant encrage servent intensément l'intention. Archaïsme et futurisme s'imbriquent, les histoires partent dans tous les sens. La seule ligne directrice, le lien des récits entre eux semble être la course effrénée du cheval. On pense à un monde qui ne sait plus où il en est, où la vitesse est aveugle, où tout se fissure. Les personnages sont des archétypes : aventuriers, réfractaires à l'autorité, hommes libres et hommes asservis, "domestiqués", gourous, dictateurs.
La terre a été victime d'une catastrophe. Des survivants sont regroupés dans une ville futuriste régie despotiquement par des militaires et des scientifiques qui ont établit une surveillance implacable. D'autres individus regroupés en clans ou en tribus errent dans une nature sauvage. Un cheval venu d'on ne sait où apparaît. Décadence liée à l'ivresse du pouvoir, détournement des avancées scientifiques, instrumentalisation de la peur. Anticipation ? A moins que ça ne nous dise déjà quelque chose de notre présent. Les genres se mélangent, western et science-fiction se côtoient dans une atmosphère de fin du monde. La dernière image est sidérante et cynique.
En 1959, avec l'adaptation du film de John Ford Les Cavaliers commandé par l'Express, Buzzelli donne libre cours à son talent pour dessiner les chevaux. C'est en France dès 1970 qu'il trouve vraiment son public.
Guido Buzzelli (1927-1992) né à Rome dans une famille d'artistes est reconnu en France pour plusieurs albums. Le début des années 1970 niant la question de la peinture, Buzzelli est contrarié dans sa vocation de peintre figuratif. Il ne reste que le dessin de presse et la bande dessinée. "Cette situation de souffrance de Buzzelli se retrouve dans HP." écrit Jean-Noêl Orengo dans le texte d'ouverture : Buzzelli, expressionniste et classique.
Bravo à Frédéric Pajak pour la réédition de l'œuvre de Buzzelli, et une reconnaissance méritée dans le magnifique geste éditorial des Cahiers dessinés : choix du papier, du format et impression irréprochable. Traduit de l'italien par Christophe Mileschi.
Relié. Couverture cartonnée. Format : 24,3 x 30,7 cm. 120 p. 34€
Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com