L'art d'être distrait / Flammarion
Essai de Marina van Zuylen, franco-américaine enseignante de littérature comparée à Bard College qui célèbre avec une joyeuse érudition l'art d’être distrait. "Se pourrait-il que la distraction soit en réalité une arme secrète de survie ?" Par la présence-absence, détachement et connexion, activité et passivité. Et si la distraction était complémentaire à la concentration ? La rêverie, l'oisiveté, c'est-à-dire des pauses occupent une certaine partie de notre cerveau. Les plaisirs et les perspectives méconnues de la distraction, de nombreux penseurs s'y sont intéressé. Entrer dans un autre rapport au monde, moins sérieux, plus créatif, c’est vivre une forme de poésie intérieure propice au cheminement philosophique.
A titre d'exemple pour illustrer les vertus de la dispersion de l'attention, s'appuyant sur une remarque de Primo Levi dans Si c'est un homme, « Pierre défend l'idée paradoxale que la dispersion de l'attention a sans doute fait plus de bien que de mal à Auschwitz. En dépit de la situation désespérée, Levi dit s'être senti chanceux quand, au moins, le vent ne soufflait pas trop fort tel ou tel jour. »
Marina van Zuylen nourrit son essai dans le sillage de Rousseau, Proust, des philosophes Christian Wolff, Friedrich Nietzsche, William James, Gaston Bachelard le grand promoteur de la rêverie philosophique ou encore Henri Bergson. Dans le cas de Montaigne, elle relève qu'il "a trouvé comment faire face à un handicap bien particulier : son incapacité de penser linéairement". Il l'a adaptée en "une merveilleuse grâce à se laisser ainsi rouler au vent". Quant à l'Écossais David Hume, il soulignait la nécessité d'équilibrer action, plaisir et oisiveté. L'esprit ludique n'étant pas que frivolité ou badinage. Et quelle surprise que l'éloge du hasard par Kierkegaard qui va encore plus loin dans l'apologie de l'ennui profond comme antidote à la fuite dans la distraction.
Broché. Format : 13,8 x 21 cm. 112 p. 18€
Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com