Le Chinois / Editions Mame
L'autobiographie d'Hervé Odermatt a tout d'un roman. Elle est sincère et captivante, en dépit de certaines répétitions, comme des obsessions. Passionnante aussi grâce à l'art qui tient une place conséquente. Le départ dans la vie d'Hervé Odermatt est digne d'Hector Malo. C'est un enfant « bâtard » selon l'expresion de l'époque. Le père chinois disparaît. Jeanne la jeune mère le place à la campagne dans une ferme. Une chance, la famille de substitution pauvre mais aimante sera un socle. Hervé grandit dans la nature, s'épanouit entre rudesse et affection. Son caractère se forge. Il résiste aux quolibets à l'école, « chinetoque, « bâtard », et apprend à se servir de ses poings. Les travaux de la ferme rythmés par les saisons le fortifient. Il est endurant, sait monter à cheval, conduire un attelage, labourer, porter les lourds sacs de blé. Puis, c'est la guerre. L'envie d'en découdre démange l'adolescent. En 1944 il repère une voiture de résistants. Plein d'audace, à leur troisième passage, il les interpelle : prenez-moi avec vous. Il a l'allure d'un paysan solide. C'est d'accord. Dès lors son destin est tracé et sa vie ne sera qu'une suite de rencontres et d'opportunités. A chaque fois que la chance se présentera, il la saisira. Il deviendra un grand marchand d'art alors qu'il ne connaissait la peinture que par les images du chocolat Pupier. Il faut croire que le terrain était favorable. Son sens des affaires inné depuis sa jeunesse lui permet de rebondir en cas de nécessité. L'argent coule à flot, la femme de sa vie est belle et riche. Son carnet d'adresses est parfait, sa fortune croît. Il acquiert des chevaux de course, joue au golf, toujours gagnant dans tous les domaines. Quelle chance insolente ! On serait presque scandalisé. Puis, c'est un choc à plus de 50 ans. Enfin! Il s'agit d'une révélation spirituelle. L'argent lui permet alors d'accomplir de merveilleuses choses qui donnent un nouveau sens à sa vie. A la fin de son autobiographie, qui peut sembler une autosatisfaction, Hervé fait son examen de conscience. Il avoue avoir des choses à se faire pardonner. Aujourd'hui à 93 ans, il est comblé par la joie de venir en aide aux nécessiteux. Après cette lecture, on se demande si Hervé Odermat n'a pas été choisi dès le début en vue d'une finalité. La grâce a comblé un vide dont il n'était pas conscient dans l'effervescence de sa bonne fortune. Une chance insolente? Non, une destinée. Découvrez cette vie hors du commun et les causes auxquelles se consacre Hervé Odermatt. Une lecture ardemment conseillée. Broché. Format : 14 x 21 cm. 256 p. 17€. Paule Martigny