Picasso à travers ses œuvres / Larousse
Gérard Denizeau, historien de l'art et auteur de nombreux livres d'histoire de l'art aux éditions Larousse, propose un décryptage du parcours incroyable d'un des plus grands artistes du XXe siècle. Fascinant et complexe, cruel et humain, pilleur et inventeur.
2023, marque le cinquantième anniversaire de la disparition de Pablo Picasso. Cette année est donc placée sous le signe de la célébration de son œuvre en France, en Espagne et à l'international.
Gérard Denizeau propose un découpage en neuf chapitres : Une destinée artistique sans égale, De la période bleue à la période rose, l'affirmation d'un artiste hors normes, Le cubisme, révolution radicale, La veine « néoclassique », Un thème obsessionnel : le Minotaure, Le temps de Guernica, Au temps de la guerre froide, la voix originale de Picasso, Picasso sculpteur, Les dernières années.
Portrait par ses uvres d'un artiste inclassable, d'un génie du XXe siècle. Pour débuter il est important de préciser qu'à quatorze ans, Pablo, formé par son père, est déjà un praticien accompli. En 1896, à l'âge de quinze ans, La Première Communion marque le début de son immense carrière. A vingt ans il peint L'Attente, une œuvre qui se détache par sa puissante originalité. Il a déjà absorbé la leçon des impressionnistes, l'influence des expressionnistes et des fauves. A cet âge c'est normal, mais chez Picasso c'est un signe particulièrement distinctif. Tout au long de sa vie il va se nourrir des formes d'expression qui l'entourent, les digérer, puis les régurgiter à sa façon. Un grand prédateur, assurément, redoutable et redouté.
Les œuvres choisies avec pertinence par Gérard Denizeau, sont des emblèmes de son parcours de vie et d'artiste, telle La Mort de Casagemas, de 1901, traitée à la façon de Van Gogh. Picasso traduit la déchirure de la perte de son ami, il exprime le bouleversement de son être face à cette tragédie. Le premier tableau de la période bleue est L'enfant au pigeon, peint la même année. Période de l'expression de la tristesse insondable. Le succès est immédiat bien que les thèmes soient évocateurs de misère et de mélancolie. La période suivante appelée période rose n'est pas antinomique à la précédente. La gamme colorée varie mais avec La Famille des saltimbanques de 1905, c'est toujours la détresse, le poids du destin et la méditation intime - « Je ne peins pas ce que je vois, je peins ce que je pense. » En 1906, à travers le portrait de Gertrude Stein on devine les prémices du cubisme, né du bouleversement pictural initié par Cézanne des décennies auparavant. Picasso conservera toujours son admiration pour le maître d'Aix, preuve en est un tableau de la Sainte Victoire qu'il acquerra plus tard.
En 1907, Les Demoiselles d'Avignon représentent la synthèse de la réflexion cubiste liée à la découverte des masques africains, art qui subjuguera nombre de poètes, d'écrivains et d'artistes, à commencer par Apollinaire. Les recherches progressent avec Braque, le compagnon pictural, le « frère », jusqu'à épuisement de l'expérience. Le collage s'invite, révolutionnaire, pratiqué également par les surréalistes mais avec lui d'une autre nature. Il s'intègre dans un fait plastique. Peut-on considérer que la période cubiste prend fin avec Arlequin, en 1915, peinture dans laquelle sourd l'influence de Matisse ? En tous cas en 1918, c'est un changement radical à l'aune de ce qu'il déclare : « En peinture on peut tout essayer. On a le droit, même. A condition de ne jamais recommencer. » Le « Je ne cherche pas je trouve » deviendra sa règle. En 1917, Olga Koklova entre sa vie. Dans des conditions idylliques il l'immortalise avec Portrait d'Olga au fauteuil.
Dans les années 1920 cubisme épuré, surréalisme et néoclassicisme s'interfèrent et se mélangent. Les visages et les corps se fragmentent, les couleurs explosent, signes de la dégradation de sa relation avec Olga et celle de l'arrivée d'une nouvelle amoureuse, Marie-Thérèse. Le Minotaure conjugue animalité et humanité, cruauté et tendresse, barbarie et créativité, vie et mort. Pas étonnant qu'il ait été un thème récurent dans l'œuvre de Picasso et tout particulièrement dans la période Dora Maar. Le temps de Guernica dans la même période des années 1930, peint en 1937, fait entendre la voix de l'artiste humaniste. Il a cinquante-six ans et sous le feu du ciel, en noir et blanc, il hurle la tragédie. En contrepartie, au temps de la guerre froide, en 1958, Picasso dessine La Colombe. Il continura de traiter guerre et paix simultanément.
Quant à la sculpture, son œuvre est tout aussi singulière, faite de bric et de broc, significative de son imagination féconde et de sa vitalité créatrice. Avec Jacqueline, l'ultime rencontre, les deux dernières décennies de la vie de Picasso sont marquées par l'apaisement. Il pastiche à de multiples reprises des peintures de ses grandes admirations, Delacroix, Velasquez et Manet. Il revisite avec fougue, humour et respect Les femmes d'Alger, Les Ménines et Le Déjeuner sur l'herbe.
Ce livre est formidablement didactique pour tout public. Simple, précis, vivant, intégrant des citations de Picasso. Il aborde s les grandes lignes par les œuvres et la chronologie de sa vie. Le choix éditorial de l'ensemble de l'ouvrage sur fond noir est réfléchi et magnifie les reproductions en grand format.
Relié. Couverture cartonnée. Format : 23 x 28 cm. 240 p. 29,95€.
Paule Martigny – Mémoire des Arts / blog-des-arts.com