Sangliers – Aurélien Delsaux / Albin Michel
Leur figure solitaire est l'allégorie d'une désespérance collective en milieu rural. Aurélien Delsaux en mêlant le patois à la roture de l'argot. colore la rudesse du récit. Nous sommes aux Feuges, un hameau entre le Rhône et les Alpes. Lionel, enfant malingre, admire et envie son grand frère qui peut partir à la chasse. Pas lui. Pourtant, le père le brutalise, le méprise et le surnomme le Singe, car il a la peau noire. Les deux garçons ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas de la même couleur. Le fils bâtard, doué, sensible, gentil et naïf, comprendra plus tard sa différence, et fuira la violence paternelle. Parmi les autres personnages : un vieux sculpteur révolté aimé d'une jeune et belle polonaise, un professeur parisien qui a démissionné. Veuf, il a choisi une vie retirée avec sa petite fille pour écrire un livre. D'autres figures de déclassés et de laissés-pour-compte complètent l'assemblage d'Aurélien Delsaux. Nous suivons pendant plusieurs années ces figures solitaires en souffrance. Les scènes de chasse, de bistrot, de la tuerie du cochon, ou du vernissage de l'exposition du vieux sculpteur, sont de superbes morceaux de lecture. Lionel devenu adolescent refuse de ressembler à son père, peine perdue : « plus il le haïssait, plus il lui ressemblait ». Devenu grand et fort, il bascule dans l'extrémisme de droite entraîné par ses aînés, et trouve sa voie. Il lavera la honte de sa mère. Un drame se profile au cours d'un été interminable, une fournaise qui exacerbe les sens. Ce sera la première tuerie raciste dans un lycée français. Aurélien Delsaux, né en 1981, vit en Isère. Son premier roman « Madame Diogène », en 2014, fut bien accueilli. Nous vous recommandons ce nouveau cru puissant et tragique. Broché. Format : 14,5 x 20,6 cm. 553 p. 23,49€. P.M.