Les peintures d’Edna à la galerie Alain Dettinger

Dimanche, 9 Février, 2025 - 18:01

« Je n’ai jamais envisagé devenir peintre, j’ai vécu et j’ai peint. »

Edna n’a pas l’obsession d’exposer. Peindre lui suffit. Mais exposer chez son ami Alain Dettinger lui apporte une satisfaction particulière. Ils se connaissent depuis l’âge de dix-sept ans, s’estiment et se respectent. Cette confiance l’a décidée à sortir ses peintures de l’atelier. Avec un léger aspect rétrospectif, puisque des toiles plus anciennes voisinent avec les plus récentes. Elles prouvent l’étendue de son talent, la nature de sa démarche et la constance de son style depuis ses débuts. Certains, au premier abord, sont tentés de dire que c’est original, amusant, curieux. D'autres sont déroutés, surpris par l’association paradoxale des éléments.

La portée de l’œuvre d’Edna dépasse toutes ces lectures. Tout d’abord, pour la présenter à ceux qui ne la connaissent pas. Edna n’est pas son prénom, c’est son nom de peintre. Ce nom et son œuvre sont intimement liés. Elle n’avait pas vingt ans quand elle a fait un rêve. Elle possédait un livre sur Jeanne d’Arc dans lequel figurait un plan de Rouen dans la période médiévale. Le lendemain elle fit sa première toile où elle reproduisit ce plan. Elle y ajouta une femme derrière une grille. Elle avait déjà trouvé son monde, son alphabet. Rien n’est donc anodin chez cette artiste, ni son nom, ni son œuvre.

En 1966, à Worcester en Angleterre, le conservateur qui préparait son exposition, avait sorti toutes ses toiles sur le trottoir, rejetées pour atteinte à la pudeur. Le fait fit grand bruit, des articles de soutien parurent dans les quotidiens, photos à l’appui. Le peintre Pierre Jacquemon, sensible à la détermination de sa sœur écrivait dans une lettre envoyée au critique d’art René Deroudille depuis New York : "L’audace d’être soi-même est le courage que j’admire le plus." Vingt ans plus tard, une exposition réunira les deux artistes très liés à l’Auditorium de Lyon, en 1986.

Comment décrire une peinture d’Edna ? Le mobilier et les objets qui l’entourent, liés à son passé et rémanents dans son œuvre sont peints avec une méticulosité confondante. C’est avec ces éléments, porcelaines, pendule, manteau de cheminée, chaise, pied de table, carrelage, etc., qu’Edna débute sa composition. Le corps féminin diaphane, souvent morcelé dans des positions parfois improbables, avec ou sans la tête, prennent place. Quant aux mains elles sont d'une grâce exquise, impeccablement manucurées, les ongles vernis de rouge ou de rose.

Edna est une personne d’une grande douceur. Douce et rebelle : "Je ne cède pas quand c’est mon terreau". Ses toiles propices à la rêverie offrent de multiples lectures. Images de l’enfermement, désir d’émancipation, ou simplement extases picturales ? Fragments de tissus, de dentelles ou de papiers peints, sont intégrés par des collages au gré de l’élaboration de certains sujets. Les trouvailles plastiques se font-elles au fur et à mesure ou bien sont-elles pressenties à l’origine ? Peu importe, car ce qui compte vraiment c’est le résultat. En l’occurrence, il est stupéfiant dans sa forme d’une esthétique resplendissante et sensuelle et dans son intention engagée entre nostalgie et féminité, un dialogue issu d’émotions charnelles avec les intérieurs aimés, stimuli de fantasmes dans un univers intime. Les corps magnifiques et lascifs sont chargés de mystère. Cette œuvre parle à notre moi profond. C’est la raison pour laquelle toute description est subjective. Il en sera ainsi de celle qui vous incitera à regarder avec une attention extrême cette peinture singulière, hors des modes, totalement à part.

Edna est vraiment une grande artiste pour qui j’éprouve depuis longtemps une intense admiration et une sincère amitié depuis que je l’ai rencontrée. Un mot sur Alain Dettinger, son fidèle galeriste, qui a ouvert son lieu en 1990. Issu des beaux-arts de Lyon, son intérêt pour les artistes singuliers contemporains et sa passion pour les arts premiers prévaut à l’identité de ses choix. Sa démarche méritait d’être soulignée.

Edna. Peintures. Jusqu’au 1er mars 2025. Galerie Alain Dettinger / Art tribal – Art contemporain. 4 place Gailleton Lyon 2e. 04 72 41 07 80 dkart2@yahoo.com. Du mardi au samedi 15h-19h30, et sur rendez-vous.

Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com