Les ombres blanches / Grasset
Née le 10 décembre 1830 à Amberst, au Massachusetts, Emily Dickinson, surnommée "la recluse d'Amberst" est morte le 15 mai 1886, dans la maison où elle avait vu le jour, après avoir passé les dernières années de sa vie cloîtrée dans sa chambre, à entretenir une volumineuse correspondance et à écrire des centaines de poèmes qu’elle s’est toujours refusé de publier de son vivant. Dominique Fortier a imaginé son existence dans "Les Villes de papier". Puis, un an plus tard, elle a ressenti le besoin d’écrire l’histoire des femmes qui lui ont survécu et qui lui ont redonné vie : sa sœur Lavinia, sa meilleure amie et belle-sœur, Susan, épouse d’Austin Dickinson, Mabel, la maîtresse de celui-ci, puis Millicent, fille de Mabel, enfant à l’époque de ce récit. C’est ce que Dominique Fortier explique dans l'introduction. Puisqu’elle s’était toujours farouchement refusée à voir ses écrits publiés, rares sont ceux qui savaient, de son vivant qu’Emily écrivait. Peu avant son décès, elle demanda à sa sœur Lavinia de brûler tous ses papiers personnels. Mais lorsqu’elle découvrit des centaines de poèmes éblouissants, griffonnés sur des morceaux d’enveloppes ou d’emballages, stupéfaite elle ne put se résoudre à les détruire. On suit tour à tour Lavinia, Susan, Mabel et Millicent, dans une narration où surgit par endroits la voix de l’auteure qui se joint à elles. Dominique Fortier évoque avec grâce l’histoire d’une œuvre qui n’aurait jamais été publiée sans l’engagement de ces femmes. Beauté du geste, de la transmission et du désir de prolonger la vie de l’être aimé disparu. Un roman tendre, émouvant, lumineux, qui porte haut l’importance de la poésie, celle d’Emily Dickinson en l’occurrence, considérée aujourd'hui come l'une des plus grandes poétesses américaines, qu’on a envie de lire et relire. Née à Québec, Dominique Fortier est écrivaine et traductrice. Après un doctorat en littérature française à l’université McGill, elle travaille une dizaine d’années dans le monde de l’édition avant de publier en 2008 son premier roman, "Du bon usage des étoiles" (Alto, 2008, Les Editions de La Table ronde, 2011) lauréat du Prix Gens de mer / Étonnants voyageurs. Elle a reçu en 2016, le Prix littéraire du Gouverneur général, la plus haute distinction littéraire au Canada, pour son roman "Au péril de la mer" (Alto, 2016, Les Escales, 2019), et en septembre 2020, en France, le Prix Renaudot Essai pour "Les villes de papier" (Grasset). "Les Ombres blanches", un roman incontournable. Une lecture éblouissante et subtile. Broché. Format : 14 x 20,5 cm. 256 p. 20,90€. Paule Martigny