Kokoschka - Les Dessins / Éditions Les Cahiers dessinés

Lundi, 6 Mai, 2024 - 11:25

Oskar Kokoschka considérait le dessin comme souverain et autonome au sein de son œuvre

Dans son texte éclairant, précis et documenté sur la façon de travailler et sur l'ensemble de l'œuvre dessiné d'Oskar Kokoschka, Aglaja Kempf note sa prodigieuse aptitude à "travailler vite pour se concentrer sur le regard". Vigueur et simplicité sont confondues dans son trait tourbillonnant pour saisir l'essentiel. Si intensément plongé en lui-même à ce moment-là, au point de produire des sons dans une sorte de monologue.

C'est étrange et mystérieux comme les artistes, peintres et sculpteurs sont attachés à leurs dessins. Une valeur particulière leur est attribuée. C'est le cas d'Oskar Kokoschka (1886-1980) qui couvrit avec attention des centaines de pages sur des carnets de croquis. Il envisageait ses dessins comme des œuvres autonomes. Des photographies le représentent concentré à traduire cette "petite sensation" si chère à Cézanne.

Les premières œuvres connues d'Oskar Kokoschka sont des dessins datant de ses onze ans. Dessin que plus tard il enseignera avec passion et qu'il pratiquera tout au long de sa longue carrière. Le corpus s'élève à au moins 7000 folios sans compter l'œuvre lithographique. Sa concentration sur son sujet et la parcimonie de moyens que ce soient des rehauts au crayon de couleur ou à l'aquarelle étonne en regard de la peinture foisonnante du maître de l'expressionnisme autrichien.

Une force remarquable se dégage de ses croquis et études. C'est admirablement "noté" dans la ferveur de la rapidité d'exécution. On peut parler de suites car il investit des séries de manières différentes au long de sa vie, selon les circonstances. Le tracé au crayon lithographique pour les scènes issues des mythes ou de la bible est plus fourni pour traduire les effets de dramatisation.

Son trait rapide délié et nerveux s'attache à saisir l'éphémère avec la même ardeur qu'il s'agisse de nus, de portraits, d'insectes ou autres animaux, de simples fruits ou fleurs, de paysages, etc.

Avec ses dessins destinés au décor scénique de théâtre ou d'opéra il compile ses intérêts multiples pour la musique classique et la mise en scène de textes. Ses études annotées ou non constituent une découverte offerte par cette belle édition.

Oskar Kokoschka s'est affirmé très tôt dans la ligne de la Sécession de Vienne, il prit part aux expositions qui firent scandale organisées par Gustav Klimt et Josef Hoffmann. Très affecté par sa séparation avec Alma Malher il s'engagea sur le front lors de la Première Guerre mondiale dont il revint gravement blessé. Dans les années 1920 et 1930 il effectua de nombreux voyages en Europe et en Afrique du Nord. Suite à la montée du nazisme, déclaré "artiste dégénéré", après un exil à Prague et en Grande-Bretagne, il s'établit définitivement en Suisse en 1953, où il passera le dernière partie de sa vie.

Cette édition met en lumière un aspect moins connu de l'œuvre d'Oskar Kokoschka à travers plus de cent cinquante dessins présentés par Aglaja Kempf, historienne de l'art et conservatrice à la Fondation Oskar Kokoschka, Musée Jenisch à Vevey. Revenons sur la ligne éditoriale des Cahiers dessinés créés en 2002 par l'éditeur franco-suisse Frédéric Pajak. Cette maison d'édition a pour vocation de se consacrer au dessin, apportant une soin scrupuleux à la qualité du papier, de la mise en page et de la photogravure.

Oskar Kokoschka fait partie des quarante-trois artistes exposés à l'occasion de la 2e édition du Festival du Dessin à Arles jusqu'au 19 mai 2024.

Broché avec larges rabats. Format : 22 x 28 cm. 208 p. 36€.

Paule Martigny / Mémoire des Arts – blog-des-arts.com